On ne s’en rend plus compte, mais la santé est depuis bien des années à la pointe de l’innovation digitale. L’utilisation des premiers robots chirurgiens remonte au début des années 1980 et les outils d’imagerie médicale (IRM, scanner, échographie…) sont aujourd’hui la norme lorsqu’il s’agit de faire un diagnostic.
Ce n’est pas pour autant que le secteur passe au travers de la révolution numérique actuelle. «Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs de la santé sont très réceptifs aux avantages que peuvent apporter des technologies comme l’intelligence artificielle ou la blockchain», explique Jean-Philippe Arié, le manager du Luxembourg BioHealth Cluster chez Luxinnovation. «L’enjeu est de les intégrer le plus rapidement possible, tout en respectant les nombreuses normes qui les encadrent.»
En parallèle, de nouvelles réalités sociales et économiques influent directement sur l’évolution des services de santé. Vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques, évolution des traitements, ambulatoires ou non… «Nous sommes en train d’observer une réorientation du secteur vers une approche prédictive et une médecine personnalisée», résume Françoise Liners, chargée de la Direction des technologies de la santé au ministère de l’Économie.
Un écosystème désormais visible
Un contexte à la fois complexe, mais aussi très concurrentiel, dans lequel le Luxembourg tente de se positionner. Et avec un écosystème complet, le pays n’a pas de quoi rougir. Notamment en ce qui concerne les technologies de la santé.
Un travail collaboratif des équipes du ministère de l’Économie, de l’Observatoire de la compétitivité, du BioHealth Cluster et du département Market Intelligence de Luxinnovation a permis d’offrir un aperçu détaillé des entreprises actives dans ce segment.
Présentée le 15 janvier à la House of BioHealth lors de la conférence «Health Technologies @Luxembourg – Shaping the Future Together», cette cartographie montre que le secteur des technologies de la santé a généré en 2016 (dernières données disponibles) une valeur ajoutée de 175 millions d’euros, représentant 0,38% du PIB.
«On compte 131 entreprises qui développent des technologies de la santé au Luxembourg», complète Jean-Philippe Arié. «Elles représentent quelque 1.600 employés, dont 80% sont actifs dans des structures ne dépassant pas 10 salariés. Et 31 de ces structures sont spécialisées dans les technologies digitales.»
Les étoiles montantes
Quelques-unes d’entre elles ont présenté leur solution lors de la soirée organisée à la House of BioHealth. Quatre qui disposent d’un fort potentiel de croissance ont retenu notre attention.
- ITTM – Créée en 2015 en tant que spin-off de l’Université du Luxembourg, ITTM, ou IT for Translational Medicine, s’est spécialisée dans la gestion de données médicales. La santé est en effet entrée dans l’ère du big data, mais la provenance et la qualité des données restent très diverses. ITTM permet de réunir les informations obtenues auprès des hôpitaux, des cliniques, des applications mobiles et même des publications de recherche spécialisées, de les rendre anonymes, de les standardiser et d’en assurer leur stockage pour pouvoir ensuite les analyser pour ses clients.
- AR Spectra – Établie au Luxembourg depuis l’année dernière, cette start-up veut s’inviter dans les blocs opératoires grâce à la réalité augmentée. Elle a développé des lunettes 3D qui permettent aux chirurgiens d’avoir devant les yeux l’ensemble des informations du patient obtenues au préalable grâce à l’imagerie médicale. Un gain de temps lors de l’intervention – le chirurgien ne perd plus de temps à tourner la tête vers les écrans positionnés dans la salle d’opération –, mais aussi le gage d’une précision améliorée des coups de bistouri. Pour commercialiser ses produits, AR Spectra attend encore les validations des régulateurs du secteur, qui devraient arriver cette année.
- Fast Track Diagnostics – Il s’agit sans doute d’une des plus grosses success-stories luxembourgeoises du secteur. La société a été créée en 2006, avec l’idée de proposer un système de diagnostic ultrarapide sur un grand nombre de maladies infectieuses. Pour cela, elle a développé une sorte de laboratoire mobile tenant dans une boîte pas plus grande qu’un sac à dos. Celle-ci est reliée à une plate-forme accessible depuis un ordinateur qui permet l’analyse en temps réel des échantillons prélevés sur un patient. Début 2018, Fast Track Diagnostics a été rachetée par la division Santé de Siemens, Siemens Healthineers.
- Techcyte Europe – Américaine d’origine, l’entreprise a ouvert son quartier général européen au Luxembourg en 2017. Son objectif est de mettre l’intelligence artificielle au service des pathologistes, ces professionnels de la santé chargés de chercher les cellules pathogènes dans les tissus ou les liquides biologiques. Un travail extrêmement chronophage qui se réalise grâce à un microscope. Grâce au deep learning, la technologie de Techcyte apprend à reconnaître et localiser les cellules malades. Mais c’est bien évidemment le pathologiste qui garde le dernier mot.
Photo Credit @ Marie de Decker