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Professeur Martin Charter, pouvez-vous résumer le principe du design circulaire ?

«Le design circulaire s’inscrit, à mon avis, dans une approche globale et plus large appelée éco-conception, qui vise à réduire l’impact environnemental dans le développement et la conception des produits tout en minimisant les impacts du cycle de vie.

Avec l’éco-conception, en fonction du produit et de l’importance de son impact environnemental, vous devez réfléchir à différents aspects environnementaux. Par exemple, réduire la consommation d’énergie, améliorer la démontabilité, etc.. Cela implique parfois des compromis.

L’éco-conception repose essentiellement sur la notion de cycle de vie, qui va de l’extraction des matériaux jusqu’à leur utilisation finale.

La conception circulaire, dans le cadre de l’éco-conception, signifie qu’il faut penser à concevoir de manière à conserver la valeur des produits, des matériaux et des composants le plus longtemps possible dans les systèmes économiques et sociaux, en mettant l’accent sur l’utilisateur et non sur la fin de vie.

Vous vous intéressez à la façon dont vous concevez l’entretien préventif du produit, la réparation, la remise à neuf, la refabrication. Le recyclage des matériaux est en fait beaucoup plus avancé que ce à quoi on pourrait penser normalement.

Quels sont les avantages déjà avérés d’une telle approche ?

« L’économie circulaire suscite un intérêt croissant à l’échelle mondiale, avec, par exemple, la publication par la Commission européenne de son Plan d’action 2.0 sur l’économie circulaire, qui fait suite au plan initial de 2015.

Malgré cet intérêt croissant, il n’existe toujours pas de définition commune de ce qu’est l’économie circulaire. Il est important de définir ce que signifie l’économie circulaire au niveau de l’économie, ainsi qu’au niveau de l’organisation et du produit.

L’ISO, l’Organisation internationale de normalisation, a commencé à travailler sur la normalisation par le biais du TC323 sur les termes et les définitions, la mesure de la circularité et les nouveaux business modèles.

Dans le cadre des travaux sur les termes et les définitions, il est nécessaire de clarifier les définitions des questions telles que le reconditionnement, la remise à neuf, etc.

Cela est apparu clairement le développement de la norme BS8001 dans lequel j’ai été impliqué. Il s’agit de la première norme sur l’économie circulaire et les organisations. Lorsque nous l’avons examinée, nous n’avons trouvé aucune définition dans les normes ou dans la loi pour le recyclage d’un produit. Mais dans la pratique, le recyclage des produits se fait dans de nombreux domaines, notamment dans celui de l’habillement. Par recyclage, j’entends le fait de prendre un produit qui a été conçu pour un usage particulier et de le réutiliser dans un autre but. Il y a donc toujours un manque de clarté, même en ce qui concerne les termes qui doivent être clarifiés.

De nombreuses questions sont relativement nouvelles: on parle beaucoup d’économie circulaire et d’organisations, mais de nombreuses entreprises ont du mal à mettre en œuvre ces principes, surtout lorsqu’il s’agit de grandes organisations complexes.

Les avantages d’une approche plus circulaire peuvent être liés à la réduction des coûts, à l’amélioration de la réputation, à la sécurité de l’approvisionnement en matériaux, à l’innovation, au respect de la législation et, dans certains cas, à de nouveaux flux de revenus, ou à la protection des flux de revenus existants.

Quelles sont les étapes-clés de la mise en œuvre d’une conception circulaire ?

«Ce n’est peut-être pas aussi simple que cela à bien des égards. À mon avis, l’économie circulaire fait partie du développement durable. Les objectifs de développement durable pour 2030 énoncent 17 objectifs clés. Un certain nombre de ces objectifs sont liés à la circularité. Certains pays et organisations tentent de se réorienter complètement vers l’économie circulaire et disent que le développement durable est un concept dépassé. Je pense que c’est une stratégie dangereuse à adopter, d’autant plus que l’économie circulaire émerge de la réflexion sur les matériaux et les ressources que nous avons utilisés.

Il est important de reconnaître que l’économie circulaire s’appuie sur de nombreux concepts qui ont évolué depuis les années 1990, par exemple l’éco-efficacité, l’efficacité des ressources et la productivité. Il est donc important de placer l’économie circulaire dans le contexte du développement durable au niveau politique.

Au niveau de l’entreprise et des produits, les entreprises doivent identifier les questions qui sont pertinentes pour leurs produits et services. Les entreprises qui veulent passer à une économie plus circulaire dans le cadre d’une approche plus durable doivent tout d’abord s’engager auprès de leur personnel et des autres parties prenantes afin de clarifier ce que signifie la circularité pour leurs organisations et leurs produits.

Il est très important de définir ce que vous entendez par circularité et ce qui est pertinent pour vos produits, vos services ou votre modèle d’entreprise. Les enjeux sont différents si vous fabriquez un meuble à partir de bois cultivé localement par rapport à un superordinateur avec beaucoup d’électronique complexe et des chaînes d’approvisionnement longues et complexes qui incluent également des matières premières critiques.

Cette approche est-elle déjà incluse dans les formation de designers?

«Par rapport à il y a 10 ou 15 ans, la conception de produits dans les écoles d’ingénieurs et de design inclut davantage de contenu sur les questions environnementales. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que le développement durable, l’économie circulaire et l’écoconception fassent partie du programme d’études des différents professeurs. Il est toujours nécessaire que les équipes de direction et les chefs d’établissement au sein des universités donnent la priorité à ces questions. Il faudrait en faire plus.

Deux nouvelles normes ISO ont été publiées récemment sur l’écoconception. La norme ISO 14006 a été publiée en février 2020. Elle montre aux organisations comment gérer l’écoconception dans le cadre de leur système de management. Il s’agit donc d’une orientation sur la manière de gérer l’écoconception.

En décembre 2019, il y a eu la publication de la IEC 62430 version 2. Celle-ci fournit des conseils aux concepteurs sur la façon de concevoir des produits ayant un impact environnemental plus faible. Dans ce cadre, les aspects de circularité sont également pris en compte.

Des cours spécifiques sur l’économie circulaire et la conception circulaire sont désormais dispensés dans différentes universités du monde entier, mais ils sont encore relativement nouveaux. Des groupes de recherche qui se concentrent sur ce sujet sont également en cours d’élaboration. Certaines questions ne sont cependant pas nouvelles.

Par exemple, au début des années 2000, beaucoup de travail a été fait sur la conception de la démontabilité et de la réparabilité. Ces travaux étaient motivés par la perspective de clauses de ‘responsabilité individuelle du producteur’, qui stimuleraient l’écoconception, dans la directive DEEE (directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques), qui traitait des déchets électroniques, et dans la directive VHU (directive relative aux véhicules hors d’usage), qui traitait des déchets automobiles

Beaucoup de travail a donc été entrepris sur la façon de concevoir la recyclabilité et la réparabilité. Mais ces clauses n’ont pas été mises en œuvre dans la loi. De nombreux chercheurs qui avaient généré de nouvelles connaissances sur les questions de conception circulaire ont ensuite abordé de nouveaux sujets.

Ainsi, pour bon nombre de ces questions, il y a bien des leçons du passé qui ont été oubliées ou sont inconnues de l’organisation et des personnes qui ont rejoint le débat sur l’économie circulaire au cours des cinq dernières années.

Est-il plus facile de mettre en œuvre ces enseignements dans un petit pays comme le Luxembourg ?

«Bien sûr. L’une des choses essentielles est évidemment que les décideurs politiques donnent la priorité à l’économie circulaire comme question-clé et définissent les politiques pour faciliter la transition vers une économie circulaire dans le pays. Il se peut aussi qu’il y ait déjà beaucoup de bonnes choses qui se passent dans le pays et il est nécessaire de rassembler ces bons exemples.

Tout d’abord, il faut établir une typologie de ce que le Luxembourg, par exemple, entend par économie circulaire et de ce qui est en dehors de ce champ d’application.

Par exemple, une question assez controversée est de savoir si le recyclage des matériaux est considéré comme relevant de l’économie circulaire. À mon avis, il faut poser plusieurs questions-clés et y répondre avant de mettre en œuvre une approche stratégique.

La Commission européenne continue de promouvoir l’économie circulaire et considère que l’économie circulaire fait partie du Green Deal.

Récemment, le Plan d’action 2.0 pour l’économie circulaire a été lancé, cinq ans après le premier plan d’action. Celui-ci a défini toute une série d’actions que la Commission va promouvoir avec des États membres.

Enfin, le Luxembourg pourrait établir des partenariats avec d’autres gouvernements et organisations pour combler les lacunes en matière de connaissances et d’expérience.

Le professeur Martin Charter MBA FRSA a travaillé comme manager, chercheur et formateur en matière d’innovation durable et de durabilité des produits pendant 30 ans dans le milieu universitaire, les entreprises et le conseil.

Il est le directeur fondateur du Centre for Sustainable Design® de l’Université des arts créatifs (UCA), associé principal de la Business School for the Creative Industries de l’UCA et auteur/co-auteur de Greener Marketing 1 & 2, Sustainable Solutions, System Innovation for Sustainability, Eco-innovate et Designing for the Circular Economy.

Il est le président du conseil d’administration du Farnham Repair Café et intervient régulièrement dans des conférences dans le monde entier.

 

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