Monsieur Hurt, les réalisations des concepteurs, membres de l’OAI, sont soumises à des normes réglementaires et techniques très strictes. Comment, dans ce contexte, arriver à exprimer pleinement sa créativité?
«Par leur approche holistique, créative, innovatrice, indépendante et responsable, les concepteurs, architectes, architectes d’intérieur, ingénieurs-conseils et urbanistes, proposent des réponses contextuelles, personnalisées et de qualité, pour façonner notre environnement bâti. Ensemble avec le maître d’ouvrage, il faut leur laisser le temps d’imaginer, de programmer, de budgétiser le projet et ses implications à court, moyen et long terme, selon la règle ‘Design first, build smart’. Dans ce cadre, il importe d’accentuer les initiatives et efforts, dans le sillage de la loi dite Omnibus et de la mise en place du Guide Urbanisme (www.guide-urbanisme.lu), pour améliorer la simplification administrative dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de la construction. Il s’agit d’adopter, avec le concours des acteurs du terrain notamment pour tester les projets, des textes cohérents et hiérarchisés éliminant les doubles emplois, contradictions, incompatibilités. Toute nouvelle réglementation doit être strictement nécessaire et proportionnée par rapport aux buts poursuivis. Il est clair qu’aucun texte de loi ne pourra jamais remplacer l’acte créatif et responsable d’un professionnel.
Comment positionneriez-vous la créativité architecturale et technique au Luxembourg comparée à celle des pays voisins ? Y a t-il une «touche» luxembourgeoise reconnaissable ?
«Oui, d’autant plus que le Luxembourg constitue un laboratoire à la pointe de nouveaux concepts en matière de construction durable et résiliente, tant au niveau conception que réalisation. Le regroupement des 5 professions – architecte, ingénieur-conseil, architecte d’intérieur, urbaniste-aménageur, architecte-paysagiste/ingénieur-paysagiste – dans une même organisation professionnelle, revêt un caractère assez exceptionnel et facilite la prestation de services coordonnés. La constitution d’équipes pluridisciplinaires de maîtrise d’œuvre aboutit à une collaboration efficace et synergique entre les différents concepteurs pour mieux répondre aux exigences des maîtres d’ouvrage quant aux garanties de qualité, de respect des devis et des délais, et à la simplification des relations contractuelles.
Le Luxembourg est situé au cœur de l’Europe: une position-carrefour qui stimule les créations architecturales et techniques de qualité, ainsi que l’innovation par les échanges interrégionaux et internationaux. Cette position favorise également la constitution d’équipes polyglottes et pluriculturelles. Toutes ces influences se traduisent alors par une identité de la construction propre au pays. À cela s’ajoute la précision du suivi sur chantier qui se traduit par une qualité irréprochable de la réalisation. L’ouverture de ces professionnels sur le monde est accentuée par le fait que le personnel des bureaux a souvent étudié à l’étranger. Il conserve alors de cette expérience, outre un enrichissement culturel personnel, une faculté accrue d’adaptation aux marchés étrangers et à des maîtres d’ouvrage d’horizons très différents. Grâce à l’implantation au Luxembourg, ces dernières années, d’importants clients internationaux, les bureaux membres de l’OAI ont eu l’occasion de constituer un savoir-faire et un réservoir d’expériences utiles à leurs projets futurs.
Comment l’architecture et l’ingénierie se positionnent-elles aux côtés d’autres industries créatives telles que le design, notamment: des passerelles concrètes existent-elles entre ces deux univers ? Comment souhaiteriez-vous développer davantage les interactions et les synergies entre l’architecture, l’ingénierie et les industries créatives ?
«L’architecture, l’ingénierie et le design n’ont jamais constitué des mondes cloisonnés. Ils sont souvent amenés à dialoguer. De nombreux architectes proposent également ce type de prestations par intérêt personnel et pour répondre aux demandes des maîtres d’ouvrage désireux d’une personnalisation de leur projet jusque dans les moindres détails. Il est d’ailleurs intéressant de constater l’influence importante des avancées technologiques en la matière. À titre d’exemple, on peut citer l’effet de l’industrialisation de la fin du 19ème siècle sur les courants architecturaux comme le Jugendstil puis le Bauhaus. Les possibilités désormais offertes en matière de digitalisation ouvrent ainsi de nouveaux horizons. Cette soirée organisée par le Cluster Creative Industries de Luxinnovation en collaboration avec l’OAI sera d’ailleurs l’occasion de mettre en lumière le «Continuum architecture, interior architecture and design». Il importe cependant d’accentuer les contacts avec d’autres industries créatives, dans des domaines qui peuvent sembler a priori plus éloignés de ceux dans lesquels nos membres sont actifs habituellement. En stimulant de tels échanges, et par une meilleure connaissance mutuelle entre ces sources de créativité, de nouvelles collaborations et applications peuvent émerger.»