Il y a eu un « avant » et il y aura un « après ». En plein cœur de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19, les réflexions vont bon train quant aux meilleures façons de gérer le présent et le futur. Demain sera mobile, ou ne sera pas…
Le 8 avril dernier, la Commission européenne a ainsi publié des recommandations pour la mise en œuvre de démarches et de mesures permettant de développer une approche européenne commune en ce qui concerne l’utilisation des applications et des données mobiles dans la lutte contre la pandémie de coronavirus.
« Les outils numériques peuvent jouer un rôle important dans la levée progressive du confinement – qui se fera en temps utile – s’ils sont conformes aux règles de l’UE et bien coordonnés » estime Bruxelles, qui mise sur deux axes : d’une part une approche coordonnée paneuropéenne de l’utilisation d’applications mobiles permettant aux citoyens de prendre des mesures efficaces et plus ciblées de distanciation sociale, et servant à l’alerte, à la prévention et au traçage des contacts et, d’autre part, une approche commune permettant de modéliser et de prévoir l’évolution du virus au moyen de données de localisation mobile anonymisées et agrégées.
Google et Apple main dans la main
Les pays de l’UE ont mis au point une boite à outils permettant l’utilisation d’applications pour smartphones évidemment « GDPR compliant », interopérables. Des discussions ont déjà été entamées avec les opérateurs de téléphonie mobile, avec l’intention de couvrir immédiatement tous les États membres. Seule limite à cette louable attention : même si l’utilisation des smartphones est largement répandue à travers le monde, elle n’a pas encore atteint un niveau de 100% qui éviterait de laisser quelques utilisateurs de téléphones mobiles « traditionnels » sur le bord de la route.
Les géants du GAFA n’ont évidemment pas attendu que les technocrates de Bruxelles se mettent en ordre de bataille. Apple et Google ont ainsi annoncé le développement d’une solution conjointe reposant sur le protocole Bluetooth, permettant l’échange de données à courte distance. L’idée est de faire en sorte qu’une personne infectée puisse le signaler – anonymement – sur cette application, de sorte que d’autres personnes qui seraient amenés à être en contact avec elle puissent être informés d’avoir été proche d’une personne infectée. Les personnes qui se sont ainsi côtoyées ne recevront que l’information « brute », sans moyen, évidemment, d’identification physique.
L’efficacité de ces différentes initiatives reposera sur la standardisation des échanges, permettant à tous les systèmes et plateformes de pouvoir communiquer entre elles.
« L’efficacité de ces différentes initiatives reposera sur la standardisation des échanges, permettant à tous les systèmes et plateformes de pouvoir communique entre elles », analyse Xavier Buck, Xavier Buck, Chairman EuroDNS/NameSpace. À Singapour, par exemple, il y a eu de bonnes initiatives en la matière, mais sur la base d’applications fermées. »
Le cœur des discussions consiste en la centralisation – ou non – des données individuelles ainsi collectées. Une gestion des flux d’information via les terminaux mobiles entre eux, si elle n’est pas forcément la plus rapide, est en tous les cas la moins vulnérable en termes d’utilisation potentiellement inadéquate et abusive des données personnelles.
Des leçons à tirer
La frontière entre efficacité sanitaire et respect de la vie privée est particulièrement ténue. « Même avec une anonymisation des identifiants, on ne peut pas ignorer un tel risque dans un système qui centraliserait les données même si, d’un autre côté, le traitement des données serait sans doute plus efficace », prévient Xavier Buck. « Une des solutions préconisée par des experts européens serait l’utilisation de serveurs proxys, intermédiaires, qui pourraient retenir l’information quelques minutes afin que le temps ne soit plus un facteur d’identification potentiel, et qui pourrait aussi générer des données aléatoires et masquer les adresses IP afin d’éviter tout recoupement possible ».
Tout le monde est d’accord pour dire que l’on va vivre désormais certaines choses de manières différentes.
Les choix technologiques qui sont sur le point d’être pris sont loin d’être anodins, car ils vont influer sur tout un pan de la société de demain et d’après-demain. « Tout le monde est d’accord pour dire que l’on va vivre désormais certaines choses de manières différentes. Et nous devrons tirer les bonnes leçons de cette pandémie, car on peut s’attendre à ce qu’il y en ait malheureusement d’autres à l’avenir. Aucun politicien ne pourra l’en empêcher ».
La crise actuelle met également en lumière tout un enjeu économique colossal : celui de la souveraineté industrielle et technologique européenne. « Tout ce qui se passe autour du Covid-19 montre à quel point nous sommes encore dépendants des autres continents, que ce soit l’Asie ou les États-Unis », observe Xavier Buck. « Avec RGPD, l’Europe est très en avance sur le volet ‘données personnelles’, et souhaite légitimement imposer son propre standard. Mais il faudra évidement qu’il y ait une communication facile avec les autres systèmes et que l’on puisse utiliser indifféremment l’un ou l’autre. La notion de frontière n’a pas de raison d’être dans cette situation. »
Solutions à tiroirs
En attendant, ils sont nombreux à plancher sur le sujet et à réfléchir à des solutions technologiques pour contribuer à lutter contre les impacts économiques, sanitaires et sociétaux causés par la crise Covid-19.
C’est exactement la raison d’être du récent appel à projet ‘StartupsVsCovid19’ lancé par le ministère luxembourgeois de l’Économie et Luxinnovation à destination des start-up. Une autre façon, aussi, de stimuler le développement de produits et de services d’ordre technologique qui s’inscrivent dans cette lutte et qui, forcément, seront toujours utile en dehors de ce contexte.
Le soutien des processus de digitalisation des entreprises sera plus que jamais essentiel dans un avenir immédiat.
« D’une manière générale, le soutien des processus de digitalisation des entreprises sera plus que jamais essentiel dans un avenir immédiat », affirme Jean-Paul Hengen, Company Relationship Manager – ICT chez Luxinnovation. « Sans compter que la généralisation du home office et des visioconférences a montré que de nombreuses options étaient possibles en la matière. Ce peut être aussi une façon d’atténuer l’engorgement des voies de circulation et d’améliorer la mobilité ». Après tout, une solution à un problème peut toujours en cacher d’autres…